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Gérard SEBAOUN - Conseiller municipal de Franconville
8 juillet 2006

SARKOZY - Arnaud KLARSFELD : Arrêt sur images...

Daniel SCHNEIDERMANN a livré le 7 juillet 2006 à libération http://www.liberation.fr une chronique particulièrement pertinente sur l'attelage imaginé par les communiquants sarkozystes pour tenter de désserer l'étau de la formidable mobilisation citoyenne qui s'est constituée autour des élèves scolarisés sans papiers menacés d'expulsion et de leurs familles :

Carton_rouge

Klarsfeld et «le chat perché»

Le triomphateur des ondes, en ce moment, c'est le synonyme. Ecouter une revue de presse de France Inter, c'est feuilleter une page de dictionnaire des synonymes, à l'article euphorie. Euphorie, rêve, bonheur, légèreté, joie, jouissance, plaisir, volupté, excitation, extase, félicité, béatitude, contentement, satisfaction. N'en jetez plus, et bonne journée. Du journal régional au journal national, de l'éditorialiste au grand reporter, on construit, tous ensemble, un grand mur de synonymes, sur lequel vient s'assourdir l'actualité ordinaire.

Pourtant, même sous ce voile sucré, l'actualité continue, souterraine, avec ses feuilletons ordinaires. Ainsi, par exemple, la fameuse «guerre des mémoires», intarissable et désespérant feuilleton des temps non footballistiques. En sourdine, discrètement, entretenu par des épisodes laissés en jachère dans l'immédiat, ce feuilleton se poursuit. Ainsi, sur toutes les ondes ou presque, a-t-on entendu cette semaine l'avocat Arno Klarsfeld, nommé médiateur par le ministre de l'Intérieur dans le dossier des expulsions d'enfants. Et, par exemple, justement, un matin sur France Inter, avant et après le dictionnaire quotidien des synonymes. Comment résumer l'impression ? Ce fut un détestable moment de flou et d'embarras. Hésitations, points de suspension, incertitudes. Des enfants, oui ou non, seront-ils expulsés ? Oui. Non. Peut-être. Certainement pas cet été, mais tout de même. La quasi-totalité des enfants va voir sa situation régularisée, mais il se peut que. Rien avant le 13 août, sauf si. On procédera avec tendresse, et humanité. Toute l'humanité possible. Etc.

Haïssable impression. Ce nom, Klarsfeld, et ces pauvres tentatives d'échappatoires, accolés à ces mots, enfants expulsés. Qui l'a voulu, ce raccourci, ce télescopage ? Klarsfeld, enfants, Klarsfeld, expulsions. Charger le fils de Serge et Beate Klarsfeld, du gardien de la mémoire de la déportation des Juifs de France et de la traqueuse de nazis, d'une mission concernant des expulsions d'enfants, aujourd'hui, comme l'a fait Nicolas Sarkozy, c'est solliciter une caution, convoquer des souvenirs, jouer avec des références. De la personnalité d'Arno Klarsfeld lui-même, deux aspects surnagent. D'abord sa participation au procès Papon. L'un des principaux arguments de la défense de Papon, l'un de ceux qui restent dans les mémoires, fut celui-ci : il avait agi «dans un but humanitaire», faisant distribuer aux déportés dont il organisait les rafles, à chaque fois qu'il le pouvait, «des matelas, des couvertures et de la nourriture». Le procès devait aussi révéler que Papon, par exemple, était l'auteur d'une note manuscrite demandant à ses services de traiter avec une bienveillance particulière les «Juifs intéressants», «anciens combattants décorés, pensionnés ou mutilés de guerre». Et c'est un des avocats vedettes des parties civiles au procès Papon que l'on charge de charger de vérifier l'existence «d'attaches fortes avec la France» des enfants expulsables. On tente d'y résister, au piège de ce télescopage. De faire la part des choses, de différencier les situations, de distinguer, bien entendu, les époques, les gouvernants, les intentions. Et pourtant il s'impose, surnage dans le tohu-bohu de la Coupe du monde.

Plus récemment, on se souvient de quelques esclandres médiatiques, prenant leur source dans le même fait : Arno Klarsfeld, qui bénéficie de la double nationalité française et israélienne, a effectué un an de service militaire volontaire sous l'uniforme israélien, dans le corps des garde-frontières de Jérusalem-Est. Et c'est à cet engagé volontaire dans une armée étrangère en guerre, dans un conflit dont les répercussions ne se font que trop sentir en France, que la République confie une mission, même illusoire.

C'est donc à cette quincaillerie ambulante de références explosives, que Sarkozy, tout à son souci schizophrène de donner des gages à l'électorat lepéniste sans se laisser coller l'étiquette de l'inhumain chasseur d'enfants, vient de confier une incertaine mission de «médiateur».

Pour le moment, l'opération a partiellement réussi. L'indignation de principe des éditorialistes contre les expulsions d'enfants n'a pas désarmé, mais elle épargne Klarsfeld et ses gaffes. Quand l'avocat, au micro de Sud Radio, le 30 juin, décrit comme le non régularisable-type «quelqu'un qui arrive avec un enfant de quinze ans, l'inscrit tout de suite au lycée, et qui fait chat perché, vous ne pouvez plus me toucher», cette scandaleuse boutade n'est dénoncée par aucun grand média. On n'ose imaginer l'indignation des éditorialistes si Le Pen avait prononcé la même phrase.

Nul, à part lui-même, ne sait si toutes ces images s'entrechoquent dans le cerveau d'Arno Klarsfeld. Nul n'est en état de dire s'il y a, derrière ce «coup» de Sarkozy, le calcul, voire le désir de ces télescopages. Nul ne peut dire si quelqu'un a mesuré ces risques, voire les a recherchés.

Nul ne sait exactement quelles seront leurs conséquences, une fois dissipée l'anesthésie footballistique. Mais cette convocation des spectres conjugués de la déportation des Juifs et du conflit du Proche-Orient, dans la politique française d'immigration, est, dans le meilleur des cas, une stupidité. Et sinon, euphorie ou non, une ignominie.

http://www.liberation.fr/opinions/rebonds

J'avais émis avec infiniment moins de talent la même idée le 1er juillet sur ce blog dans un message intitulé "Gardons les tous".


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