Au nom d'Abraham et de Joseph, il faut rompre le silence mes agneaux...
Vieil abonné du nouvel Observateur, je conserve les numéros qui s'empilent au prétexte de lire plus tard les articles que j'aurais zappé à leur sortie. Ce matin, j'ai suivi le fil à remonter l'année au travers d'une brève d'Aude Lancelin qui annonçait la mort de l'historien Tony Judt, historien célèbre que je connaissais pas. Elle renvoyait à un de ses textes paru le 06 mai toujours dans l'Obs.
Rien de plus simple, le numéro rapidement retrouvé avec en une "Le vrai régime anti-cancer" ne m'avait pas marqué plus que ça. Mais le texte lui est remarquable, à lire absolument en cliquant sur le lien :
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/opinion/20100809.OBS8304/mes-identites-par-tony-judt.html
Mais le déplacement de la pile m'a mis dans les mains un autre numéro,celui du 19 avril, en phase avec l'actualité et au titre évocateur : "Comment ils sont devenus Français", publié suite au faux-débat nauséabond sur l'identité Française.
Alors j'ai lu et relu les courtes histoires consacrées à Marc Chagall, Blaise Cendrars, Guillaume Apollinaire, Serge Gainsbourg, Sylvie Vartan, Michel Drucker, François Cavanna et Yves Montand, tous à des titres divers Français célèbres et honorés.
J'ai choisi deux ce ces portraits pour interroger leurs descendants, réputés proches de Nicolas Sarkozy, le Président qui vient d'identifier un Français d'un genre nouveau, "le Français d'origine étrangère". Je sais, ça n'est pas politiquement correct de dire que ça rappelle les heures sombres de notre histoire et que ce rapprochement avec les années trente et Vichy est inacceptable. Oui mais non car ces portraits rapidement brossés et tirés de documents d'archives nous y conduisent tout droit, extraits :
Abraham Drucker, père de Michel interdit d'exercer la médecine par un lobby professionnel puissant mâtiné d'antisémitisme parce que pas Français, et desespérant d'être naturalisé entre 1930 et1937. Lui le juif roumain arrivé en 1925, médecin interné au camp de Drancy assistera impuissant aux départs des convois pour les camps d'extermination.
Joseph Minc, père d'Alain, échappé des pogroms de Pologne, dentiste de son état, résistant pendant l'occupation en France, arrivé en 1931 aura attendu la fin de la guerre pour être enfin naturalisé.
Dans ces mêmes articles, les journalistes Doan Bui et Isabelle Monin, prêtent à Michel Drucker, qualifié de gendre éternel de la famille cathodique française, la phrase suivante :
"Où serions-nous si nous arrivions de Roumanie aujourd'hui ?
Dans une cité ghetto ? Dans une caravane sous le périph ?"
Juste pour cette phrase, Michel Drucker et au nom d'Abraham, et vous Monsieur Minc au nom de Joseph, j'aimerais vraiment vous entendre et vous lire sur la dérive bien plus que sémantique du pouvoir actuel.